HISTOIRE
Depuis le milieu des années 80 la Confédération Paysanne a comme projet l’Agriculture Paysanne. En résumé une agriculture avec des paysans nombreux percevant un revenu correct avec des conditions de travail également correctes travaillant à produire des biens alimentaires correspondant à la demande de la société (goût, absence de résidus, disponibilité, etc…) et respectant et entretenant le milieu naturel (paysage, eau, etc…).
C’est dans ce cadre que s’est inscrite (et s’inscrit encore) la lutte contre les OGM, que s’inscrit aussi la lutte sur l’eau. Avant cette orientation la jonction entre ce mouvement syndical et la société s’est fait autour du soutien aux luttes des salariés (solidarité entre travailleurs). Depuis la jonction se fait plutôt autour de problèmes écologiques et/ou territoriaux.
Parallèlement, depuis le début des années 90, autour de la Conf (Civam, Atelier Paysan) ou en son sein (Ardear), se mettent en place des outils pour mettre en place concrètement l’Agriculture Paysanne. Ceux-ci réunissent des paysans qui mettent en place des outils d’Éducation Populaire pour réfléchir à leurs techniques, leurs modes de commercialisation (AMAP, paniers paysans, marchés à la ferme, etc…), les autres fonctions du paysan dans la société (Accueil Paysan), l’accès au foncier (Terre de Lien).
L’auteur de ces lignes a été un des promoteurs actifs de cette démarche. Le bilan qu’on peut en dresser au bout de 30 ans est amer. Nous avons pu démontrer que l’Agriculture Paysanne est viable dès aujourd’hui dans un certain nombre de productions, qu’elle est en mesure, moyennant une politique cohérente, de répondre aux demandes des français. Ça n’a pas empêché le rouleau compresseur du productivisme de continuer à avancer en produisant tous les dégâts que l’on sait en termes sociaux, écologiques, alimentaires, de santé, territoriaux et même culturels (disparition d’une culture).
Si il y a défaite, c’est que le rapport de force ne nous a pas été favorable. Quel était ce rapport de force ? Du côté Agriculture Paysanne : la Conf et assimilés (c-à-d la minorité d’une minorité) et la « société civile » (c-à-d une classe moyenne « blanche » capable d’acheter nos produits et ayant les codes culturels des lieux d’acquisition de ces aliments). Nous n’avons, durant toute cette époque, pas suffisamment regardé cet aspect de notre problème, aveuglés que nous étions par une conquête lente et progressive d’année en année du marché alimentaire par les produits de qualité. Nous nous sommes fait endormir par le discours consomm’acteur.
Du côté productivisme : la FNSEA, les banques, l’agro-alimentaire, l’État, l’Europe, l’OMC, etc…
Pour un vrai rapport de force, il faudrait que les vrais perdants de ce système alimentaire pèsent de leur réel poids démocratique dans la politique le gouvernant. Les grands perdants dans ce système sont les classes populaires qui n’ont d’autres choix que de le subir (en allant à l’aide alimentaire ou en courant les promotions d’un supermarché à l’autre).
ÉMERGENCE DE LA REVENDICATION SSA
Quasi simultanément, des réflexions ont convergé issues des Civam, de la Conf, et d’Agrista (asso d’ingénieurs agricoles).
Les Civam ont réfléchi dans le cadre d’une recherche-action (ACCESSIBLE) sur la consommation alimentaire, ce qui les a amenés à se pencher sur la question de l’aide alimentaire. Ils ont mis en exergue que celle-ci fait partie intégrante du système productiviste, permettant à celui-ci de résoudre une de ses principales contradictions. Cette recherche-action permet de poser la question du bilan de 70 ans de modernisation agricole : toujours moins de paysans, plus d’intrants chimiques et autres, et une population mal alimentée. Le fruit de ce travail, on peut le trouver sur un moteur de recherche en tapant : « civam accessible ». Cela a amené aussi à produire le film docu : « La part des autres »
Au sein de la Conf quelques personnes ont posé la même question, qui a été reprise ensuite par Agrista.
À la lumière du travail des Civam et de Friot sur la Sécu, une proposition de Sécurité Sociale Alimentaire est proposée. C’est assez vite soutenu, en plus de 3 pré-cités, par l’Atelier Paysan, les Amis de la Conf, VRAC, Union des Familles Laïques, Réseau Salariat, la Mutuelle Familiale, l’Ardeur, et Démocratie Alimentaire. Depuis il y a eu entre autres le SNETAP-FSU.
CONCRÈTEMENT LA SSA C’EST :
Les 3 principes de la sécu tels que voulus par la CGT en 44/45 : démocratie, universalité, cotisations.
• Cotisations : tout le monde cotise selon ses moyens. Plusieurs options possibles restent à étudier (sur salaires ou sur plus-value).
• Universalité : tout le monde et chacun (de 0 à 100 ans ou+) reçoit selon ses besoins un crédit mensuel de 150€. Au moment de l’étude, la consommation alimentaire moyenne hors boisson était de 250€. Selon les spécialistes un apport de 150€/personnes/mois permet d’accéder à un minimum de choix.
• Démocratie : ce crédit n’est utilisable que dans des lieux conventionnés. Le conventionnement sera décidé démocratiquement par des commissions comprenant consommateurs, producteurs et salariés de l’agroalimentaire et de la distribution.
POUR SES DÉFENSEURS LES AVANTAGES DE LA SSA
La SSA permettra de sortir l’agriculture et donc l’alimentation (mais aussi les paysages, l’eau, etc..) des règles du capital qui depuis les lois de 1960/62 conduisent la politique agricole.
Pour plein de raisons (trop longues à exposer ici) les paysans majoritairement ne changent pas de système. Nous pourrions demander à l’État d’imposer un changement de paradigme, mais, outre que c’est loin d’être fait, l’exemple hollandais qui a vu une radicalisation droitière des campagnes après que l’État ait voulu imposer une réduction du cheptel (après avoir encouragé son extension infinie pendant des années), nous fait préférer la SSA permettant un dialogue démocratique entre consommateurs et producteurs.
La SSA par son universalité fait respecter un droit, garantissant la dignité des personnes. Alors que jusqu’à présent les deux seules solutions qui nous sont présentées sont :
• l’aide alimentaire, c’est à dire qu’on accepte qu’une partie de la population mange les restes des autres
• la « philanthropie » des supermarchés qui nous garantissent à qui mieux mieux que grâce à eux la vie n’est pas chère, exploitant leurs salariés (et surtout salariées) sans vergogne, imposant aux producteurs leurs conditions, vu qu’ils ne sont plus qu’une poignée d’acheteurs au niveau national.
Et cela avec la complicité de nos gouvernants et des grands médias.
EN ATTENDANT LA SSA…
Les militants travaillant la question le font dans deux directions :
• Un « affinage » politique de la revendication elle-même. Quelle cotisation ? Selon quels calculs ?
• Quelles modalités démocratiques ? Mais aussi un travail de plaidoyer vers les politiques.
Des tentatives de préfiguration. Les trois conditions de la sécu démocratie, universalité, et cotisations, sont un guide pour construire ou essayer de construire des « solutions », temporaires en attendant (préfigurant?) une vraie politique, face à la crise alimentaire qui éviterait de tomber dans les travers de l’aide alimentaire.
DERNIÈRES NOUVELLES DU FRONT
• Sur Rennes un collectif SSA35 présent à tous les événements avec son stand.
• Au niveau national, un collectif national, où la démocratie est un peu difficile à appliquer, avec un travail permanent du Réseau Salariat qui cherche à imposer son point de vue.
• Au niveau Conf 35 il y accord de principe sur cette revendication.
• Des députés commencent à s’y intéresser, notamment des macronistes voyant l’impasse actuelle de l’aide alimentaire mais pour complètement transformer l’objet (notamment un certain Ramos).
• Le CNA conseil national de l’alimentation a émis un avis favorable l’hiver dernier. Sa présidente est Maillard-Méhaignerie députée du 35.
Gérard Bricet
DES RÉFÉRENCES :
Une BD « Encore des patates » 2€ au collectif SSA 35 mais aussi dispo gratuit sur internet.
Le film « la part des autres » très bien fait. Auprès de la FNCIVAM.
Une vidéo :https://les-ateliers-ludos.itch.io/lamarmite