Contribution de la GES au débat de l’Assemblée représentative de la FI du 16/12

Militants insoumis.es, en accord avec le programme l’Avenir en commun, sans surprises nous nous retrouvons dans de nombreux aspects répertoriés dans les textes de bilan et d’orientation qui sont soumis au débat. Nous saluons d’ailleurs la possibilité, cette fois offerte aux membres des GA et des boucles départementales, de pouvoir faire évoluer ces documents. Nous espérons que les remontées témoigneront d’une grande vitalité démocratique, que chacune et chacun pourra juger à l’aune des changements et améliorations concrètes apportées, produits de l’intelligence collective et de l’opinion majoritaire.

Le débat est donc ouvert et nous souhaitons y prendre part collectivement en tant que Collectif d’animation national de la Gauche écosocialiste. Sans prétendre à l’exhaustivité, ni souligner tous les points d’accord avec les documents, nous voudrions aller à l’essentiel en abordant trois questions, à nos yeux très importantes, celle de notre profil, celle de notre politique unitaire, celle de notre fonctionnement.

  1. Un profil radical et rassembleur

Notre assemblée représentative intervient dans un contexte où la France insoumise est soumise à un « FI bashing » insupportable. Dans les médias et sur les réseaux sociaux nous sommes copieusement insultés, radicalement caricaturés. Tout est bon pour nous salir, jusqu’à utiliser l’odieuse accusation d’antisémitisme et nous voulons ici témoigner de notre solidarité totale à tous les camarades injustement montrés du doigt, calomniés ou menacés.

Nous pensons que cette campagne anti FI est essentiellement la rançon de notre succès de 2022. En effet, avoir réussi à sceller une alliance politique de la gauche, sous une forme inédite – dans le sens où la NUPES est dominée par son aile décidée à la rupture avec le néolibéralisme – qui a permis à la fois de redonner confiance au peuple de gauche mais qui a eu aussi comme heureux effet d’inquiéter l’oligarchie et les droites. La NUPES au pouvoir, c’est le cauchemar de l’oligarchie tout simplement parce qu’elle aurait beaucoup à perdre si le programme de la NUPES s’appliquait. C’est aussi le cauchemar de l’extrême-droite car la vraie gauche est l’obstacle le plus consistant qui se dresse face à elle. Or ces courants sont très puissants, ils ont des relais médiatiques solides et ils se conjuguent pour nous livrer une bataille acharnée. L’objectif est de nous discréditer à tout prix. Et pour cela, tous les moyens sont bons.

Notre problème n’est pas d’être détestés d’eux, c’est de ne pas perdre notre crédit auprès du peuple et donc, de ne pas leur donner le bâton pour nous battre. C’est la raison pour laquelle chaque mot doit être pesé dans nos déclarations publiques, de nos tweets à nos tracts, en passant par nos interventions publiques.

Il nous semble par exemple que nous aurions dû nous y prendre différemment dans notre approche du conflit israélo-palestinien. Evidemment, nous partageons de nombreuses positions défendues par LFI : l’affirmation du refus de l’oppression coloniale sur les palestiniens et l’occupation, l’exigence d’un cessez-le-feu, la solidarité avec toutes les victimes civiles, l’opposition ferme à l’alignement sur le gouvernement Netanyahu et au soutien accordé par le gouvernement Macron à des frappes massives contre Gaza et sa population. Mais notre position aurait été plus forte en manifestant davantage d’empathie dans la solidarité avec les victimes de l’odieuse attaque du Hamas dans les heures qui ont suivi le crime de masse du 7 octobre dernier. Ensuite en qualifiant ces attaques de terroristes, car évidemment, même si le contexte n’est pas le même dans l’absolu, des commandos qui attaquent des civils dans des villages et lors de festivités est vécu comme des attaques de type terroriste rappelant par exemple en France celles du Bataclan. Ce n’était pas contradictoire avec le fait de qualifier ces actes de « crimes de guerre ». Cela n’aurait sans doute pas suffi à désarmer nos accusateurs, qui savent faire preuve de malhonnêteté intellectuelle, mais cela aurait émoussé l’efficacité de leurs propos diffamatoires. Cela nous aurait sans doute permis d’être mieux et plus vite entendus dans l’expression de notre soutien aux populations civiles de Gaza face aux crimes de guerre commis par l’armée israélienne et notre exigence d’un cessez-le-feu. Mieux entendus aussi sur le fait qu’à aucun moment nous ne sous-estimons la poussée de l’antisémitisme en France, sous la forme d’actes racistes que nous condamnons tout autant que les autres.

  1. L’union doit rester un combat

Le document d’orientation, intitulé « Le chemin se construit par nos pas », rappelle à juste titre que la naissance de la NUPES, à l’issue de la Présidentielle, s’est produite sous l’impulsion de la France insoumise. Il précise aussi que « la NUPES est arrivée en tête du premier tour et [qu’]elle a multiplié par trois le nombre de député·es de l’opposition de gauche » donnant ainsi « l’espoir d’une véritable alternative pour des millions de citoyennes et de citoyens face au macronisme et à la menace de l’extrême droite. »

Evidemment, nous constatons toutes et tous que la NUPES est aujourd’hui confrontée aux « blocages de la gauche d’avant », les dirigeants du PS, du PCF, d’EELV sont largement responsables de la situation dans laquelle la NUPES se trouve aujourd’hui, car effectivement, « le PCF, après maintes déclarations hostiles, a pris la décision de quitter la NUPES ; le PS, divisé en deux, a suspendu sa participation aux réunions de l’intergroupe à l’Assemblée nationale avant d’effacer toute référence à notre alliance dans le nom de son groupe parlementaire ; quant à EÉLV, sa direction persiste à empêcher toute liste commune de la NUPES aux élections européennes. »

Cependant, indiquer que malgré l’échec de la construction de la NUPES avec nos partenaires, celle-ci pourrait se poursuivre par en bas, en élargissant « l’adhésion populaire autour du programme de la NUPES » (texte d’orientation), est une réponse insuffisante.

Il faut faire vivre le programme de la NUPES. Mais nous pensons que la situation exige le rassemblement de la gauche de transformation sociale. Chaque jour qui passe rappelle en effet que la menace de l’extrême-droite s’affermit. Ce phénomène est insuffisamment évoqué dans les documents. Non seulement le « cordon sanitaire » qui séparait les héritiers de Vichy de l’arc républicain a sauté, mais de surcroit – et c’est la base politique du FI bashing actuel -, les droites tentent de dresser un cordon sanitaire entre nous et un « arc républicain » intégrant l’extrême droite. C’est très grave. D’autant que les idées de l’extrême-droite progressent dans l’opinion et inspirent nombre d’aspects de la législation ou de l’action autoritaire des institutions, favorisant en retour sa progression. La poussée de l’extrême-droite en France s’inscrit dans un phénomène mondial, comme vient de nous le rappeler l’élection de Javier Milei en Argentine ou plus près de nous géographiquement, celle de Wilders aux Pays-Bas. En France, la perspective d’une victoire électorale de l’extrême-droite est devenue une hypothèse malheureusement sérieuse. Son accession au pouvoir serait totalement délétère pour notre pays, précisément parce que la nature profonde de ce courant n’a pas changé et que la politique qu’il va mener est bien pire. Le fascisme à visage humain n’existe pas. Une victoire de l’extrême droite pourrait désarmer durablement le mouvement ouvrier, avec des mesures de répression bien supérieures à celles que nous connaissons.

Il faut le dire avec plus de netteté, face aux politiques antisociales, antiécologiques et autoritaires de la droite, et pour faire contrepoids à l’extrême-droite, il faut un front social et politique solide. Cette position doit être affirmée avec clarté.

Un tel front politique et social ne se résume pas aux formations politiques. Elle est l’union de toutes le forces de progrès sur des objectifs clairs et précis. Mais pour qu’un tel front social et politique se manifeste et se consolide, il faut qu’il respecte certaines traditions incontournables, comme celle de l’indépendance des formations syndicales par exemple. A l’occasion de la lutte contre la réforme des retraites, si l’action s’est unifiée autour de la question du retrait de la réforme, les relations avec l’intersyndicale n’ont pas toujours été au beau fixe. Il faut en examiner les raisons avec lucidité et corriger ce qui relève de notre responsabilité car il en va de l’intérêt général quand il s’agit de la puissance des luttes sociales.

Organiser les luttes avec cette méthode c’est également préparer et favoriser l’alternative politique via les échéances électorales. Pour barrer la route au bloc libéral et au bloc d’extrême droite, il faut consolider le bloc des gauches. C’est essentiel. Sans un tel bloc dès le premier tour, les chances de parvenir au second fondent et celles de le gagner s’évaporent. Bien entendu, pour gagner, il faut lever une dynamique et on ne peut le faire que si le programme redonne espoir et confiance. Dit autrement, il faut se distinguer à la fois de Macron et de Hollande, comme l’a fait la NUPES.

Le bloc des gauches est certes aujourd’hui profondément fissuré, mais l’aspiration au rassemblement demeure forte. Forte dans le peuple de gauche, dans le mouvement social et syndical, et aussi au sein même et autour des formations politiques qui s’étaient retrouvées dans la NUPES. Raison pour laquelle il faut marteler la nécessité du rassemblement et notre disponibilité intacte pour la réaliser. Le texte d’orientation ne le fait pas suffisamment. Concrètement, nous devons continuer à œuvrer au rassemblement des syndicats, des partis et des associations à chaque lutte, comme sur les retraites ou la Palestine. Nous devons continuer à proposer une politique commune aux autres formations de la gauche à chaque échéance électorale. Nous devons maintenir la main tendue pour les européennes jusqu’au dépôt définitif des listes. Enfin il faut renoncer à l’idée, figurant dans le document intitulé « bilan d’activité » que « de la configuration aux élections européennes découle la stratégie des municipales ». Cette élection locale est le miroir de nos insuffisances. La principale formation de la gauche devrait avoir des milliers d’élus locaux. Mais pour ce faire, il faut adapter notre stratégie aux situations locales concrètes qui ne sont pas la simple reproduction locale de ce qui domine nationalement. Il faut plutôt à notre avis indiquer qu’aux échelles métropolitaines et municipales, les insoumis ont la confiance du mouvement pour construire leurs campagnes et leurs alliances. Avec comme boussole la volonté de voir les listes auxquelles nous participons porter un programme conforme à nos principes généraux et au programme partagé de la NUPES. Il est urgent de porter nos idées au pouvoir dans les institutions locales.

  1. La démocratie n’est pas un handicap

La France insoumise est un mouvement « évolutif » qui fonctionne par bilans et réajustements. Nous tenons à saluer la principale évolution de cette dernière période, celle de la mise en place des « boucles départementales » et des binômes de référents pour impulser des tâches importantes dans les départements.

Néanmoins, les évolutions ne vont pas assez loin de notre point de vue. Beaucoup d’insoumis.es ressentent à juste titre une certaine dépossession des choix d’orientation faits par le mouvement. Beaucoup ressentent le hiatus entre un programme qui revendique un niveau de démocratie inégalé dans la société que nous voulons et un mouvement qui ne serait pas tenu pour sa part d’en respecter les principes essentiels pour son propre fonctionnement interne. Le programme ne suffit pas pour guider l’action politique. Des décisions sont à prendre tous les jours. Certes l’urgence exige parfois que des décisions soient prises sans que le mouvement toute entier ne soit saisi. Mais pour que la décision soit légitime, il faut que l’instance qui la prenne le soit et que, sous une forme à discuter, elle reçoive son mandat dans le cadre d’une délégation de pouvoir consentie par le mouvement tout entier. Ce principe doit être reproduit localement. En effet, là aussi, le fonctionnement actuel dilue notre efficacité, notamment en terme d’implantation ou en terme d’organisation des campagnes et des batailles politiques locales. Car il ne favorise pas la coordination efficace de l’action, pas plus que la représentation démocratique locale qui devrait être confiée à des représentants élus et révocables. Enfin, quand il n’y a pas d’urgence, il faut savoir consulter le mouvement sur ses choix. Il faut créer une culture du débat car elle est nécessaire et elle est formatrice, à condition bien entendu, que le débat soit maitrisé et n’entrave pas l’action.

Pour coopérer fructueusement dans un mouvement politique, il faut réunir deux conditions : un accord sur le programme, un « pilotage » représentatif et pluraliste. Si le premier aspect ne fait pas débat, il n’en est pas de même du second. Il va de pair avec la conviction qu’un mouvement aussi puissant que le nôtre ne peut aucunement, par définition, être homogène sur tout. Il faut accepter un certain degré de pluralisme politique, dont l’expression doit être organisée de façon moderne et vivante, sans reproduire les errements du passé, notamment ceux sur Parti Socialiste. Refuser de le faire, c’est à coup sûr traduire toute divergence en crise politique publique. Et au passage, c’est contribuer à donner une image politique publique inquiétante aux yeux de fractions de populations qui partagent nombre de nos propositions.

Enfin, dans le texte intitulé « Le chemin se construit par nos pas », on retrouve une invitation à « jeter les rancunes à la rivière ». C’est un principe sage, qu’il faut utiliser dans la diplomatie unitaire mais également dans nos rangs. N’avons-nous pas suffisamment d’ennemis à l’extérieur pour ne pas en chercher en notre sein ? Notre mouvement est riche de nombreux talents, et nous disposons d’une pluralité de représentation. Travaillons ensemble pour en faire une force plutôt que de choisir la confrontation brutale.

Collectif d’animation national de la Gauche écosocialiste (membre de la France insoumise et de la NUPES), le 24 novembre 2023.

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